Il y a des journées bizarres. Hier mercredi, troisième jour de la résidence de création « Bricodrama » à l’Atelier TA, l’effervescence a eu du mal à se mettre en route. Peut-être était-ce dû à la réunion qui s’était terminée tard la veille au soir. Une réunion de préparation de la soirée de lancement du Multiprise numéro 32, où seront présentées plusieurs premiers boulot de notre résidence en cours. Dans tout les cas cette réunion fut bien arrosée… En comptant l’apéro du soir du premier jour, on peut se demander si nous tiendrons trois semaines à ce rythme là, mais c’est ça aussi ce genre d’exercices, des points de rencontres un peu foutraques hors du boulot de production, où les idées fusent venues d’on ne sait où. Ça fait parti du jeu !

Sinon pour revenir à hier, mercredi 6 septembre 2017, troisième jour donc de résidence, la matinée est languissante… D’autant que Chad n’est pas là. D’où cet exercice d’improvisation textuelle à laquelle je suis en train de m’essayer, tel un gamin de 6e auquel on aurait demandé d’écrire une rédaction sur ses vacances d’été.
J’aime bien Chad. Discuter avec lui, entre deux clous et vis – ou non -, au sujet de la création contemporaine et de ses ressorts est toujours tellement rafraichissant.
Et puis nous nous nous sommes déjà habitué·e·s à sa cuisine les deux derniers jours. En parlant de cuisine, l’activité commence à monter après un repas à base de pâtes comme il se doit !
En début de ce mercredi après-midi, Romain Quartier se met à faire des chaises pour enfants. Le matin il a planté un vieux mannequin en plastique au milieu de l’atelier, personnes ne sait si tout cela aura sa place dans « Bricodrama », affaire à suivre.

David Gonçalves qui avait déjà réfléchi et même fabriqué des objets tout aussi poétiques qu’inutiles, commence à travailler tranquillement (j’adore David et son flegme) sur son installation dont l’élément principal paraît être un magnifique, énorme et aussi très lourd cheval de bois de manège, Alex et Cyril d’IPN passent sur le plateau pour boire un café. De nouvelles idées font surface… L’effervescence de l’atelier n’est pas seulement due aux personnes qui y travaillent, mais aussi aux personnes qui y passent, laissant – ou non – leurs grains d’esprits.

Je vois Nataly Nato installée sur une grande table de l’atelier continue à créer et écrire son alphabet graphique « Crise de Nerf » (voir le billet d’hier de Chad). Un langage questionne la relation visuelle que nous entretenons avec la bricologie. Objectivement ça présage un superbe boulot.

David Brunner, arrivé ce mercredi, s’installe dans un petit coin et commence à travailler sur son projet de machine à remonter le temps, il y a tous ces objets qui captent la lumière sans sources précises, je trouve cela formellement superbe.

Antoine Meyer, partage ses doutes sur la prise en compte de l’aléatoire, l’absence de projet au profit du processus, à la place de l’outil dans ce processus…

Je navigue à travers tout ça, et j’essaye de me concentrer sur mon projet de « rouleau à tapisserie ».
Mercredi c’est mercredi : les enfants n’ont pas école, et les artistes ont aussi des enfants. Ils sont là (les enfants) avec leurs trottinettes. Avides de mettre la main à la pâte, ils nous ressemblent. Bon peut-être cette dernière réflexion est-elle facile, mais je la laisse écrite.
Et nous voilà à construire des tables, peindre des bouts de bois et nous lancer dans une réinterprétation de la roue de bicyclette de Duchamp, à partir d’une idée du petit Jonas qui lui traine dans la tête depuis plus de 6 mois… 114 ans nous séparent de cette œuvre fondatrice et Jonas vient d’avoir 5 ans, quoi de moins étonnant !

Je m’exécute et nous voilà à trouer, visser, coller, peindre avec ces petites mains… Ça me fait penser au projet de Manuel Pomar (Lieu-Commun) qui sera présenté dans l’exposition « Bricodrama », rien à voir évidemment, Manuel écrivait au sujet de son travail en cours :
« Repris de la roue de bicyclette de Marcel Duchamp. Œuvre créée en 1913, perdue puis répliquée à partir des années 60 par son auteur. Reprendre une des pièces totémiques de l’art contemporain, à la fois par sa forme propre et par son impact de premier ready made de l’histoire. Elle précède d’une petite année la dramatique entrée réelle dans le XXe siècle. Je la réactive aujourd’hui car elle inscrit dans ma démarche de fabrication de totems inspirés par le Cargo Culte, une fabrique d’objets symbolique qui associe différents éléments aux origines culturelles variées. Je souhaite refaire cette pièce en utilisant le même type de tabouret en ajoutant à la roue des leds clinquantes qui servent à décorer les vélos de l’ère urbaine. Le ready made quasi sacré, élément indissociable de l’art contemporain se retrouve vulgarisé, outrageusement maquillé. Alors qu’il est à l’origine inerte, ici il tourne sans but, et éclaire de mille feux multicolore l’espace d’exposition, émettant des signaux privés de sens hors mis leur propre vacuité. Ramener le ready made dans le champ du fabriqué, du fait main, et annuler symboliquement la querelle entre anciens et modernes et inversement ! »

Et puis d’autres personnes arrivent à l’Atelier TA, ils travaillent sur d’autres projets que « Bricodrama », ça rajoute au foutoir ambiant, j’aime bien aussi la porosité que c’est en train de provoquer. L’apéro s’approche et je n’avance toujours pas dans mon projet…
